La restauration de l’église Saint-Étienne a permis de mettre en évidence sa richesse mobilière : les lustres éclairant l’édifice ont été nettoyés, ressoudés ou remplacés en atelier ; le lutrin en forme d’aigle servant d’ambon a été peint en vert afin de l’harmoniser avec les autres objets liturgiques de l’église. La quasi-totalité des toiles peintes a été prise en charge par un atelier de restauration permettant de clôturer le cycle des travaux d’embellissement de l’église.

Avant/après restauration du lutrin en 2013

À titre d’exemple, un tableau du XVIIe siècle illustrant une Annonciation était déchiré en plusieurs endroits, des traces de ruissèlement additionnées à la présence de cloques et aux plis dus à l’affaissement de la partie haute, ont entrainé d’importantes reprises de l’œuvre. La peinture a été rentoilée, dévernie et nettoyée. Lors de la réintégration picturale, la corbeille, en partie disparue, a été volontairement traitée en lacune, faute de document.

La restauration du retable « La lapidation de saint Étienne »

Lapidation de saint Étienne

Une inscription embarrassante

Tous les ouvrages, tous les articles ou guides, évoquant l’église de Brie, affirment que l’actuel tableau surmontant l’autel majeur et représentant le martyre (ou la prédication selon les sources) de saint Étienne est signé Despeigne, date de 1723 et aurait été donné la même année par le chevalier d’Agoty, peintre de la Cour et de Madame, ainsi qu’en ferait foi l’inscription suivante placée au bas du tableau  :

« Donné en 1723 par le Cher D’Agoty, Escuyer peintre de la Cour et de Madame, de l’Académie Royale de Toulouze et de Dijon »

Or, un malaise surgit dès que l’on se préoccupe de vouloir lire soi-même cette inscription sur le tableau : elle ne s’y trouve pas ! Des essais de lecture en lumière rasante ou avec une lampe à ultra-violet n’ont rien révélé. La récente dépose du tableau a été l’occasion d’observer de très près la toile et son envers : aucune inscription en dehors d’une signature au crayon au revers, sur le bas du cadre : « Berthelet Fernand 1877-1927 » . Il est vrai qu’au début des années 1980, une paroissienne trop zélée lava la toile à l’éponge et redora le cadre avec une peinture bon marché , mais il est peu probable qu’elle ait pu ainsi effacer une inscription peinte.

En 1765, le tableau était très abîmé à cause d’infiltrations par la croisée du chevet. Comme l’on sait, elle ne fut effectivement bouchée qu’en 1768. Cependant, aucune restauration du tableau ne fut faite puisque vingt ans plus tard le curé s’inquiétait de son état de décrépitude très avancé. Or, à qui confia-t-on le soin des réparations ? À un certain sieur Dagoti dans lequel nous reconnaissons volontiers le chevalier (ou son père) évoqué plus haut. Il était courant au XVIIIe siècle qu’un peintre se livrât à la restauration d’œuvres anciennes voire même au commerce de tableaux. Il n’est pas assuré que d’Agoty restaura la toile car nulle part dans le registre de fabrique il n’est rendu compte d’une quelconque dépense en ce sens. Le sieur Demonceau, marguillier, rendit ses comptes en bonne et due forme à la fin de son mandat et n’évoque pas de somme versée au peintre d’Agoty ni à un autre artiste. Soit le tableau fut laissé à son triste sort, soit d’Agoty travailla gracieusement.

Peut-être la solution se trouve-t-elle dans l’inscription ? Le tableau de Despeigne réalisé en 1723 aurait été « donné » par d’Agoty. Lhuillier évoque, sans preuve, une relation amicale entre d’Agoty et une famille de notables briards, les Baillet de Vaugrenant. Le terme « donné » serait une manière par laquelle d’Agoty aurait qualifié son travail de restauration gratuit. On peut aussi imaginer que le peintre ne pouvant restaurer un tableau trop dégradé offrit, peut-être par l’intermédiaire de ces amis Baillet, une autre toile représentant le même sujet, réalisée par Despeigne en 1723. Dans ce cas, il faudrait admettre l’existence successive de trois tableaux du maître-autel :

1 – le tableau dégradé évoqué en 1765 et 1785,

2 – le tableau de Despeigne daté de 1723, donné par d’Agoty et vu par Fichot et Guilhermy en 1850 à l’entrée de l’église,

3 – le tableau actuel, installé au XIXe siècle.

Le premier tableau, pourri et irrécupérable, aurait disparu en 1785 ou peu après. Le deuxième tableau, œuvre de Despeigne, s’évanouit dans la deuxième moitié du XIXe siècle, à une date indéterminée. Camille Bernardin, érudit local à qui l’on doit de précieuses notes sur l’église, n’en parle jamais, bien que ses recherches se soient déroulées dans les années 1850. Brûlé, vendu ou jeté, le tableau a définitivement disparu. On peut le considérer comme une victime des travaux d’aménagement de l’église par l’abbé Petit. C’est dans le cadre de ces aménagements qu’il faut à présent aborder le tableau actuel.